jeudi 11 avril 2024

LU POUR VOUS/La justice du lion (par Joseph Brahim Seid)

 En ce temps-là, une entente cordiale régnait entre les bêtes. Le lion lui-même n’était pas ce maître féroce qui sème aujourd’hui la terreur dans la brousse. Bien que redouté il était affable et tenait volontiers compagnie aux autres animaux. Mais parmi tous, il aimait particulièrement la hyène ; elle lui paraissait en effet plus dégourdie que personne. C’est pour cette raison qu’il constitua avec elle une société où chacun apporta le capital qu’il possédait ; le lion, un taureau, la hyène une vache. Et le soin de gérer la fortune commune échut à la hyène. Elle y veilla avec beaucoup de diligence, à tel point qu’un jour, rendant compte de sa gestion, elle fit savoir à son coassocié que sa vache avait donné le jour à un veau. Mais le lion contesta aussitôt cette façon de voir. Il soutint dur comme fer que le veau ne pouvait provenir que du taureau et non de la vache. Une vive discussion s’engagea alors entre les deux associés.

Je suis persuadé, dit le lion que le veau appartient à mon taureau, car seul il possède la vertu de procréer.

Je jure par tous les Dieux que le veau est sorti des entrailles de ma vache, répondit la hyène.

Je ne veux pas écouter des niaiseries pareilles, rétorqua le lion. Le veau appartient à mon taureau il n’y a pas de pourquoi ni de comment, c’est comme ça !

Mais comme la hyène persistait à soutenir le contraire, le lion en appela à la justice des animaux réunis. Convoqués par lui, ceux-ci se rassemblèrent en une cour de justice extraordinaire. Le lion leur exposa le différend qui l’opposait à la hyène et invita chacun d’eux à dire le droit.

L’éléphant parla le premier, faisant semblant de réfléchir, il secoua sa vilaine trompe et opina : « A mon avis seul le taureau possède la vertu de procréer. »

A sa suite, le rhinocéros et l’hippopotame, dressant leurs masses pachydermiques, ne firent qu’approuver ce qui venait d’être dit.

La girafe, à son tour, balayant l’air de son très long cou comme pour chercher une opinion libre de toute contrainte, affirma avec gravité que le veau ne pouvait être né que du taureau.

Le buffle à l’aspect farouche, la panthère au regard rêveur et hypocrite, le phacochère au groin sordide justifièrent avec plus de subtilité et d’arguties le bien-fondé de cette assertion ; seul le taureau est capable de procréer ; le veau ne pouvait parvenir que de lui. Après que tous les autres animaux se fussent prononcés en ce sens, on s’aperçut que seul le lièvre n’avait pas donné son avis. Le lion l’ayant fait mander immédiatement, il se présenta, les oreilles rabattues, l’air triste. Après avoir pris connaissance du litige qui opposait le lion à la hyène, le livre répondit :

- Ni mon était physique, ni ma lucidité d’esprit ne me permettent d’émettre une opinion circonstanciée et équitable. Je viens en effet de recevoir de très mauvaises nouvelles qui m’accablent. Mon père, qui se trouve à cent lieues d’ici, es dans un état fort inquiétant ; il vient d’accoucher d’un petit levreau, et j’ai hâte de me rendre auprès de lui pou lui donne les soins que nécessite son état.

- Petit imbécile, gronda le lion. Depuis quand as-tu vu un mâle mettre au monde ?

- Sire, retorqua le lièvre, ne cherchez donc pas à faire dire aux autres ce qu’ils ne pensent pas. Vous venez de trancher le procès qui vous oppose à la hyène. Si le taureau a la vertu de procréer, le veau ne pouvait provenir que de la vache. La hyène a raison contre vous. Et sur ces paroles, le lièvre détala à toutes jambes. Courroucé, le lion se lança à sa poursuite. Quand aux animaux, il se dispersèrent aux quatre vents.

C’est depuis ce jour-là qu’ils renoncèrent à jamais de se réunir pour dire le droit. Chacun retrouva sa liberté pour apprécier tout seul ce qui pouvait être vrai et juste, car ici-bas ne triomphe en justice que le plus fort. Le faible a toujours tort et les juges, toujours convaincus, le condamnent au nom d’un mot très vague, au masque souriant, qui s’appelle l’équité.




samedi 2 décembre 2023

Ngarindo Milengar, HISTOIRE ET CULTURE DU PEUPLE MONGO, par Pascal Djimoguinan

 Que peut-on connaître du peuple Mongo ? Cet ouvrage est un prolégomène à toute étude du peuple mongo. L’auteur vient ici combler un vide. Il y a très peu d’écrits sur ce peuple et sur sa langue. L’auteur qui est maintenant à la retraite part donc de la tradition orale et des écrits des premiers administrateurs coloniaux du pays pour son étude. Lui-même, ancien de l’ENA, est familier de ce genre de littérature.

Lui-même étant un natif de ce peuple, Ngarindo fait une étude holistique des Mongos. Rien n’échappe à sa perspicacité. Il traite donc de l’histoire, de la tradition, de la culture, de la religion, de la politique, de l’art, de l’environnement, de la langue.

Toute étude du peuple Mongo devrait désormais partir de ce livre pour apporter des compléments, confirmer ou infirmer certaines données. Par-delà ses apports sur la tradition et sur l’histoire, ce livre de qualité sera utile à ceux qui font des études de sociologie et d’anthropologie culturel

P. Pascal Djimoguinan     






lundi 18 septembre 2023

Funérailles sauvages ou évoluées ? (par Pascal Djimoguinan)

 Lorsque la galère aura décimé toute la terre, si elle en est capable, les derniers survivants seront ceux qui auront de l’humour, c’est-à-dire, c’est qui seront capables de rire de leurs propres misères et d’en faire des pamphlets.

J’ai ouïe dire qu’il y avait non loin de Doba, pardonnez-moi le peu que je puisse offrir, une famille assez snob, aux débuts des indépendances, qui tendait à s’occidentaliser pour les besoins de la cause.

Un jour, pour son plus grand malheur, le paternel passa l’arme à gauche. Il fallait organiser des funérailles dignes du patriarche, sans se donner en spectacle grossier comme le font les autres, attardés qui pleurent encore leurs morts comme dans l’antiquité. La famille décide donc que les lamentations pour l’auguste disparu se feraient en français. Il y avait donc la veuve, les enfants et l’oncle qui, de sont état, était un ancien combattant de l’armée française. Nous avons donc pris soin de transcrire les lamentations de la famille évoluée, par les porter à la postérité.

ENFANTS : Papa, laissé souffrir, hum, laissé souffrir, papa laissé souffrir.

Veuve : Mon mari est mort, qui va garder les enfants, fants, fants, fants,

ONCLE : Depuis que je suis dans l’armée je ne mort pas. Ngo kon man ke si Lamy si mort, mort, mort.

Tout ces pleurs alternés donnent une symphonie digne de Beethoven ou de Mozart, ce qui occidentalisait à souhait les funérailles du vénérable père passé à trépas.

Nous autres pauvres sauvages attardés, préforons encore organiser nos funérailles avec des tam-tams et des balafons et des chants dans les langues locales.



vendredi 18 août 2023

TCHAD Quel avenir faut-il espérer aujourd’hui ? (par Pascal Djimoguinan)

 Il est difficile aujourd’hui de prévoir l’avenir politique du Tchad pour demain. Les cartes sont tellement brouillées sur le plan mondial qu’il est bien difficile de d’émettre des hypothèses crédibles pour demain. Berlin 1885 semble être remis en cause. La campagne antifrançaise bas son plein.

Aujourd’hui, les propagandes des russes sur les réseaux sociaux a atteint un niveau jamais atteint auparavant. Il est difficile de discerner le vrai du faux ; quand on joint à cela la culture des faits alternatifs développée par l’ancien président américain Donald Trump, il faut reconnaître que tout circule maintenant de la toile et l’esprit critique est en train de connaitre un moment bien difficile.

En Afrique, petit à petit, il devient banal que l’on puisse se maintenir au pouvoir par la force. La démocratie semble perdre de sa superbe.

Tout devient alors négociable. Qu’importe la façon dont on parvient au pouvoir. Les organisations sous régionales sont en train de perdre leur légitimité aux yeux des populations ; elles sont taxées de dépendance par rapport à la France et des occidentaux.

La Russie, par l’intermédiaire du groupe paramilitaire Wagner apparait comme « Zorro », au service des pays pauvres, les défendant contre l’ogre occidental.

C’est sous ce tableau qu’il faut désormais lire la situation politique au Tchad.

La France ne voudra pas perdre le Tchad ; elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir les régimes qui lui seront fidèles.

Le pouvoir actuel est en train de se légitimer par le temps et les pressions de toutes sortes. N’ayant pas de légitimité de droit, il l’obtient de fait. Utilisant la technique du nivèlement par le bas, il a réussi à effacer toutes les oppositions et est en mesure de distribuer des miettes du gâteau national à qui il veut.

C’est dans ces situations qu’il est en train de préparer les élections qu’il ne perdra pas puisqu’il a tous les rouages entre les mains.

La répression du 20 octobre 2022 a servi de modèle pour mettre en place un procédé pour éliminer toute opposition qui monterait en force. Le dialogue inclusif ayant provoqué des contestations, la répression a permis de reprendre main. Désormais, chaque fois qu’il y aura une forte contestation, il y aura une forte répression suivie d’une offre de dialogue et de réconciliation.

Pour renforcer le pouvoir du chef de l’Etat, il y a eu un subtil déplacement des choses. On est passé du domaine juridique au domaine religieux, puisque plus porteur. Le chef de l’Etat ne parle pas d’amnistie, mais de pardon. Qui oserait contester Dieu  le Père ?

Que pourra proposer le président Etienne Tshisékedi en tant que médiateur ? Il ne fera que jouer son rôle de faux-semblant, en attendant que le président du Tchad ne lui revoie l’ascenseur, le moment venu.

Nous assistons à un véritable jeu de dupes. Il n’y aura pas d’alternances politiques dans ces conditions. Le partage de l’Afrique peut continuer jusqu’à ce qu’il y ait de nouveau une stabilité. Ce sera peut-être lorsque le conflit entre la Russie et l’Ukraine prenne fin.

Afrique, pauvre Afrique. Faudra-t-il attendre comme une grâce, le passage du joug français au joug russe ou vice-versa ? La démagogie est de rrigueur.

vendredi 28 juillet 2023

AFRIQUE/ Un nouveau jeu très passionnant (par Pascal Djimoguinan)

 Je propose un nouveau jeu. Il ne s’agit pas de monopoly, ni de jeux vidéo ; il s’agit d’un jeu très passionnant et instructif.

Pour jouer, il vous suffit d’avoir une carte d’Afrique et des petits casques militaires.

Une fois installé devant votre table, déployez votre carte d’Afrique. Les régions qui nous intéressent sont l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale. Sur chaque pays dirigé par un régime militaire issu d’un coup d’Etat, posez un casque militaire. Voyez comment vous remplissez votre carte. Vous aurez gagné lorsque vous aurez réussi à remplir toutes les cases.

Faites un effort, vous n’êtes pas loin de la fin. Pour vous aider, nous vous conseillons de poser un casque sur chaque pays en transition. Le compte est bon ? Combien de pays vous manquent-ils pour gagner votre jeu ?

Le résultat est effrayant n’est-ce pas ? Il s’agit d’une transition permanente puisque l’idéologie a réussi à convaincre les civils que seuls les militaires sont capables de gouverner. Et les civils mordent à l’hameçon, par idéologie ou par intérêt.

Quel est l’avenir de ces pays ? Même une boule de cristal ne pourra aider à deviner ce que sera demain. Attendons que toutes les cases soient remplies et nous verrons plus clair.

Les Cassandres n’ont pas le vent en poupe en ce moment. Laissons le cheval de Troie s’installer dans le domaine de la démocratie. Les bruits de bottes finiront bien par réveiller quelques personnes.

Afrique, pauvre Afrique ! Afrique des démissions, Afrique de la parole magique, Afrique des laissés pour compte.





samedi 10 juin 2023

LU POUR VOUS/ TCHAD Pourquoi le conflit au Soudan risque de déstabiliser aussi le Tchad (par Pascal Djimoguinan)

  L'affrontement entre les factions militaires au Soudan a de graves conséquences humanitaires pour les Etats voisins comme le Tchad et la République Centrafricaine, pays qui ont accueilli jusqu'à présent respectivement 100.000 et 10.000 réfugiés soudanais.

"Je voudrais saluer l'extraordinaire générosité et la solidarité dont ont fait preuve les deux pays", a déclaré Abdou Abarry, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies et chef du bureau régional des Nations Unies pour l'Afrique centrale, qui estime que le Tchad a besoin d'environ 130 millions de dollars pour accueillir les 100 000 réfugiés soudanais au cours des six prochains mois. Laura Lo Castro, représentante du UNHCR au Tchad, estime que "jusqu'à 200 000 personnes supplémentaires" pourraient être contraintes de "fuir vers le Tchad au cours des trois prochains mois".

Lors d'une récente visite dans les zones frontalières avec le Soudan, le ministre tchadien de l'Administration du territoire, Limane Mahamat, a rencontré les gouverneurs des trois provinces, celles du Ouaddaï, du Sila et du Wadi-Fira, qui accueillent des réfugiés soudanais.
Les trois gouverneurs ont recommandé la relocalisation rapide des réfugiés des régions frontalières, un soutien accru aux communautés locales et le renforcement des infrastructures de santé et d'éducation de base.

Malgré ses richesses pétrolières, le Tchad est l'un des pays les plus pauvres du monde. Le Tchad et le Soudan partagent une frontière commune de 1 400 kilomètres. Ils partagent également les mêmes groupes ethniques qui vivent de part et d'autre de leurs frontières. Dans un passé récent, les relations entre le Tchad et le Soudan ont été caractérisées par des conflits, des guerres par procuration et des accords de paix fragiles.

La région soudanaise du Darfour joue un rôle crucial. À différentes époques, le Darfour a servi de refuge à des groupes rebelles des deux pays. Mohammed Hamdan Daglo (ou Dagalo), connu sous le nom de "Hemetti", chef des Forces de soutien rapide (FSR), qui se battent avec l'armée régulière soudanaise, est bien connecté aux factions politiques et militaires tchadiennes. Il est d'origine arabe tchadienne et a son fief dans la région du Darfour. Son clan familial vit des deux côtés de la frontière.

Le cousin de Hemetti, le général Bichara Issa Djadalla, est le chef d'état-major personnel de Mahamat Déby. La victoire ou la défaite de "Hemetti" au Soudan pourrait représenter un risque majeur pour le président de transition Déby au Tchad. En cas de victoire, les Arabes tchadiens pourraient se sentir encouragés à essayer de prendre le pouvoir au Tchad également. (LM) (Agence Fides 10/6/2023)



mardi 30 mai 2023

LU POUR VOUS/TCHAD- La CET: "Plus de sang et de larmes pour les Tchadiens" (par Pascal Djimoguinan)

 " Le sang et les larmes des Tchadiens ont assez coulé et doivent cesser ", préviennent les évêques du Tchad dans un mémorandum adressé au Président de la Transition, chef de l'Etat par intérim, Mahamat Idriss Déby.

La Conférence épiscopale tchadienne (CET) demande au gouvernement de se pencher sur les problèmes qui affectent la population tels que la propagation de l'insécurité, la pénurie de produits de première nécessité et la composition de la Commission nationale chargée d'organiser le référendum constitutionnel (Conerec).
Selon les évêques, il est difficile de croire que les tueries et les pénuries de produits de première nécessité au Tchad sont contingentes et accidentelles. "Ces situations, qu'elles soient créées volontairement ou par ignorance, nous interpellent tous, mais en premier lieu les gouvernants qui se sont donnés pour seul objectif d'assurer la sécurité et le bien-être de leur peuple", affirment-ils.

"La liste des conflits sanglants et des victimes de la violence est longue et macabre, souligne la Conférence épiscopale tchadienne : au Salamat, au Moyen Chari, dans les deux Logones, au Mayo Kebbi Est et Ouest, à l'Est comme à l'Ouest du pays et au centre du Guéra, c'est la même désolation et la liste n'est pas exhaustive. La semaine dernière, des dizaines de personnes ont perdu la vie dans des affrontements entre éleveurs et bergers à Bahr Sara, à 600 km au sud-est de N'Djamena, la capitale du pays. Parmi les graves pénuries de produits de première nécessité, il y a celles de carburant, un paradoxe - souligne le mémorandum - pour un pays exportateur de pétrole.

"Le gouvernement doit agir en toute impartialité et au nom de la loi, s'il ne veut pas être accusé d'en être l'auteur et d'utiliser la terreur comme moyen de gouverner, de maintenir ou de préserver le pouvoir", affirme le document, faisant référence à la violente répression, le 20 octobre 2022, des manifestations appelées à protester contre le maintien au pouvoir pour deux années supplémentaires du président de la transition Mahamat Déby.

Le 24 mai, ce dernier a gracié 67 personnes condamnées pour avoir participé à la manifestation du 20 octobre, et 11 autres pour un "coup" déjoué en décembre, selon les autorités de N'Djamena.

Après la mort de son père, Idriss Déby, le 20 avril 2021, Mahamat Déby avait pris le pouvoir, suspendu la Constitution et s'était placé à la tête d'un Conseil de transition. Mahamat Déby a immédiatement promis de rendre le pouvoir aux civils par le biais d'élections après une période de transition de 18 mois. Mais à la fin de son mandat, il avait prolongé son mandat de deux ans sur recommandation d'un dialogue de réconciliation nationale boycotté par la quasi-majorité de l'opposition civile (et auquel la Conférence épiscopale a également décidé de ne pas participer, et par les principaux mouvements armés rebelles.

Rappelons enfin que le Tchad subit les effets de la guerre entre les factions militaires du Soudan, d'où continuent d'arriver des personnes fuyant la violence. (LM) (Agence Fides 30/5/2023)